Que nous enseigne Léonard de Vinci en matière de créativité ?
A l’occasion des 500 ans de la mort de Léonard de Vinci, nous vous proposons une plongée dans l’un des épisodes de « l’Art de l’Innovation », véritable ode à la créativité.
La créativité est avant tout une affaire d’habitude
1519. Amboise. Château du Clos-Lucé. France.
La grande salle rectangulaire en brique rouge est décorée de peintures murales. Au centre de la pièce, la grande table en bois est recouverte de plans de bâtiments et de palais, d’inventions mécaniques ou encore d’ouvrages hydrauliques… Dans la grande cheminée, le feu crépite et réchauffe la pièce. Sur une autre table est posée, immobile, l’ébauche d’une sculpture équine…
Près de la fenêtre, Léonard passe un très long moment à observer les oiseaux qui se déplacent de branche en branche sur le chêne situé en face de son atelier. Cette observation lui donne l’envie de rouvrir son ébauche de grand traité sur le vol qu’il a commencé il y a déjà quatorze ans, mais qu’il n’a pas encore terminé. En ouvrant le manuscrit qu’il a pris parmi tant d’autres dans un coffre, il redécouvre certains dessins et notes qui ont constitué son étude du vol des oiseaux, mais également ses projets d’un vieux rêve qu’il possède : construire une machine volante. Il referme ce manuscrit, le replace dans son coffre et en saisit un autre. Il sait que c’est à l’intérieur de celui-ci qu’il a détaillé l’une de ses techniques de peinture, la « perspective atmosphérique ».
Il relit ce qu’il a écrit. En entrant dans la pièce, ses deux assistants le sortent de sa plongée rétrospective dans ses notes. Avec eux, il se dirige à l’autre bout de la pièce pour travailler de nouveau sur le tableau qui se trouve sur un chevalet face au mur exposé à la lumière du nord. Il a déjà tant travaillé sur ce tableau. Après plusieurs heures d’un travail concentré, le vieux peintre se recule et descend de son estrade en bois. Ses assistants, à ses côtés, font silence. Cette nouvelle séance de travail vient s’ajouter aux nombreuses autres réalisées ces dernières années sur ce même tableau… mais le peintre n’en est pas encore satisfait. Pourtant, c’est une réussite, la femme représentée sur la toile possède une présence troublante. Par une expression fugace, de son sourire et de son regard, elle semble défier le spectateur et peut-être même s’en amuser.
Cet effet de La Joconde, représentant une dénommée Monna Lisa, Léonard de Vinci l’a obtenu par un travail sur les volumes et passages de l’ombre à la lumière, notamment grâce à deux innovations artistiques, la « perspective atmosphérique » et le « sfumato ». La « perspective atmosphérique » permet de rendre l’illusion de perspective entre Monna Lisa au premier plan, et le paysage lointain, au second. Pour cela, Léonard de Vinci va représenter les plans proches de manière sombre et contrastée en utilisant des couleurs chaudes et donner progressivement, aux plans lointains, la couleur du ciel et de l’atmosphère, en utilisant des couleurs froides.
Le « sfumato » accentue, lui, la présence de Monna Lisa. Cette technique de superposition de glacis très minces consiste à adoucir les contours, notamment lointains, faisant disparaître toute trace de pinceau sur la peinture. Aucun contour délimité, la figure enveloppée dans un halo lumineux affirme sa présence en perspective du paysage vaporeux qui l’entoure. Monna Lisa nous regarde et nous offre son sourire serein. Nous interroge-t-elle sur le temps qui passe ? Exprime-t-elle sa confiance en nous et en l’humanité ? Sa simplicité sans bijou ni parure nous fait-elle l’éloge d’une vie sans artifices qui replace l’Homme en son cœur ? Nous pose-t-elle toutes ces questions à la fois ?
C’est d’un signe de la tête que Léonard de Vinci invite ses assistants à quitter la pièce, alors qu’il se retourne pour s’approcher à nouveau de la fenêtre. Au loin se trouve le château d’Amboise, résidence de François Ier. Le roi français avec qui Léonard est venu d’Italie. Ce roi, qui plus que tout aime et promeut les beaux-arts et les travaux de l’intelligence, ne cesse de faire l’éloge du génie universel de l’artiste. Léonard de Vinci est considéré alors, et pour les siècles qui vont suivre, comme un génie, comme l’un des plus grands peintres de l’Histoire, mais aussi comme un des hommes ayant exprimé un talent dans un nombre très varié de domaines. Humaniste, peintre, l’artiste est aussi sculpteur, architecte, urbaniste, anatomiste, botaniste, ingénieur…
Au cours de sa vie, il rédige dans ses carnets de notes plus de treize mille pages regroupant écrits et dessins. Il y dépose des intuitions, des réflexions et des idées. En peinture, il donne sa définition de la « perspective atmosphérique ». Il reporte son étude du vol des oiseaux, qui l’inspirent pour dessiner les plans de prototypes d’avions. Il s’intéresse à des motifs géométriques.
Il dessine des visages et cherche à y associer des émotions.
Il écrit ses intuitions et concepts en physique, en mécanique ou encore en
optique. Il travaille sur l’anatomie humaine et dessine les plans de projets
architecturaux… En matière d’ingénierie, il formule aussi des concepts
d’hélicoptères, de sous-marins ou de machines de guerre. Il invente des concepts
de pompes hydrauliques, de mécanismes à manivelle ou encore d’automates. Mais un
grand nombre de ces inventions ne peuvent fonctionner, il manque alors à
Léonard de Vinci certaines « briques de Lego »… le moteur à vapeur
n’a notamment pas encore été inventé. Cela n’enlève rien à son génie
visionnaire.
En pratique
Toutes ces notes sont à la fois la source et le fruit de la force créatrice et de la capacité à innover de Léonard de Vinci. Par sa vie et ses notes, Léonard de Vinci illustre comment la créativité et l’innovation sont avant tout l’affaire d’une habitude quotidienne qu’il développera pendant plus de quarante ans.
L’habitude de saisir quotidiennement ces « briques » qui se présentent à nous sous la forme d’intuitions ou d’idées (cf. Habitude n° 1). Des « briques » qu’il saisit dans ses nombreux domaines d’étude, mais aussi qu’il reprend à ses prédécesseurs ou à ses contemporains. Des « briques » qu’il cherche également par son observation régulière de la nature, comme son étude du vol des oiseaux l’amène à réaliser les plans d’une machine volante.
Léonard de Vinci possède l’art de l’analogie et du transfert de « briques » d’un domaine à l’autre, qu’il associe ensuite entre elles pour créer et inventer. Cette habitude créative est d’autant plus importante que, souvent, ces idées ou intuitions ont besoin de temps avant de devenir des idées qui entrent en résonance avec l’environnement technique, psychologique et social d’une époque. Un point parfaitement illustré par les plans des machines volantes de Léonard de Vinci qui précèdent de quatre cents ans le vol du premier avion…
Partager, c’est aussi l’un des objectifs de Léonard de Vinci lorsqu’il rédige ses notes. Il sait, comme le lui ont enseigné ses maîtres, que la création est avant tout une œuvre collective. Qu’aurait été Léonard de Vinci sans l’héritage artistique d’Andrea del Verrocchio et le mécénat de Laurent de Médicis et de François Ier ?
Principe d’habitude créative
Notre capacité créative se développe avec l’habitude quotidienne de capter et d’utiliser ces « briques de Lego », intuitions et idées, qui se présentent à nous. La créativité n’est pas une qualité innée, mais une habitude accessible à tous et que chacun peut notamment développer en utilisant régulièrement un carnet à idées individuel. De la même manière, au niveau d’un collectif ou d’une équipe, l’habitude créative et le partage d’idées se développent avec la mise en place d’un carnet à idées collectif. Toujours inspirée par Léonard de Vinci, la richesse créative de ces carnets est favorisée par la diversité des domaines, des thèmes et des sujets qui les travers
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